Partage
Partager via Facebook
Partager via Messenger
Partager via Twitter
Partager via LinkedIn
Partager via What'sapp
Partager via courriel
PDF
Soutenance de thèse: Nadia BERDOUS (12 décembre 2017)
Discipline et Mention: Cultures et Langues Régionales La question du kabyle en Algérie. Individuation sociolinguistique et processus d’élaboration didactique
Résumé vulgarisé
« Question du kabyle en Algérie : Individuation sociolinguistique et processus d’élaboration didactique » est l’intitulé du travail de recherche qui se veut une réflexion autour de la question du kabyle qui est posée ces dernières années en des termes nouveaux et problématiques dans son rapport à tamazight.
Le Tamazight est la langue ancestrale de l’Afrique du nord. Elle a été marginalisée des siècles durant au profit des langues des colonisateurs qui se sont succédé sur cette terre. Son exclusion des sphères officielles et sa dispersion sur le vaste territoire qu’est l’Afrique du Nord, ont favorisé et accéléré son effritement est donc sa dialectalisation. Aujourd’hui, les linguistes définissent tamazight comme une langue abstraite qui n’existe qu’à travers ses variantes comme le kabyle, le chaoui, le mozabite, le targui…
Avec l’indépendance de l’Algérie, la situation ne s’est guère améliorée pour tamazight. Les pouvoirs en place ont plutôt prôné une politique d’arabisation et ont exclu tamazight de toutes les sphères officielles. Cette négation a donné naissance a un mouvement de revendication vers la fin des années soixante qui se voudra comme un rempart contre une politique d’arabisation et d’assimilation du peuple berbère/Amazigh.
Ce mouvement de revendication pour la reconnaissance de la langue tamazight, porté essentiellement par les Kabyles, finira par payer: tamazight sera introduite dans le système éducatif et retenu dans la constitution comme étant langue nationale en 2002 et langue officielle en 2016.
Cependant, son introduction dans le système éducatif a posé quelques problèmes d’ordre didactique et sociolinguistique : Quoi enseigner : les variantes de tamazight ou un tamazight (cette langue abstraite) unifié, avec quelle graphie… ? Répondre à ses questions nous mènera forcément vers une autre question plus problématique, celle de l’émancipation du kabyle ? La question ainsi posée nous renvoie à la problématique cruciale de l’individuation (processus qui permet à une variante de prendre ses distances avec les autres variantes et devient langue par élaboration ou par déclaration). Et cette réflexion nous renvoie à l’une des questions fondamentales de cette thèse : le kabyle est-il une langue ou un dialecte ?
Pour les partisans de l’unité linguistique de tamazight, le kabyle est un dialecte. Mais, tenant compte du développement de la situation sociolinguistique de tamazight, la réponse à cette question est loin d’être évidente.
Le kabyle connait depuis plus d’un siècle une forte dynamique au niveau linguistique, littéraire, didactique… et s’insère dans des espaces qui lui était jadis interdits. Cette forte dynamique peut s’interpréter par la théorie d’élaboration linguistique de Heinz Kloss comme un processus d’élaboration linguistique qui permet aux dialectes de devenir des langues par élaboration. Un processus reconnu et porté par une frange de la population kabyle qui désormais parle explicitement de langue kabyle, depuis notamment 2000.
Dans notre travail de recherche nous avons décrit, analysé ce processus d’élaboration et d’individuation du kabyle à travers l’étude des manuels scolaires élaborés depuis la période coloniale jusqu'à l’année 2015.
Nous avons choisi de travailler sur les manuels parce que l’école figure parmi les six domaines de l’élaboration linguistique qui permet à un dialecte de devenir « langue élaborée ». Nous considérons, aussi, que le travail qui se fait dans l’enseignement du kabyle, et surtout depuis 1995, est une manifestation de l’élaboration linguistique et didactique de cette langue.
L’étude des manuels scolaires et toutes les manifestations de l’individuation du kabyle (la dénomination du kabyle qui concurrence la dénomination de tamazight, le processus d’aménagement du kabyle, la standardisation de la graphie latine) nous a permis de constater que le kabyle s’impose dans le système scolaire et crée son propre espace au sein de ce système éducatif qui paradoxalement ne le reconnait pas. En effet, malgré cette forte dynamique du kabyle, le discours officiel ne lui reconnait pas une existence en tant que langue. Il le définit dans sa relation de subordination à tamazight, qui est posée, dans ce même discours, comme étant une langue à l’image de l’arabe et du français.
Toutefois, c’est à l’école que le kabyle connait le plus de progrès. En 20 années seulement d’existence officielle, tous les manuels d’enseignements, du primaire jusqu’au lycée, sont élaborés dans la variante kabyle. Cette élaboration, dans le domaine pédagogique, inscrit le kabyle dans un processus d’émergence - individuation (par distanciation) et se catégorise comme « langue ».
Nous distinguons deux dimensions dans le processus d’individuation du kabyle :
Le Tamazight est la langue ancestrale de l’Afrique du nord. Elle a été marginalisée des siècles durant au profit des langues des colonisateurs qui se sont succédé sur cette terre. Son exclusion des sphères officielles et sa dispersion sur le vaste territoire qu’est l’Afrique du Nord, ont favorisé et accéléré son effritement est donc sa dialectalisation. Aujourd’hui, les linguistes définissent tamazight comme une langue abstraite qui n’existe qu’à travers ses variantes comme le kabyle, le chaoui, le mozabite, le targui…
Avec l’indépendance de l’Algérie, la situation ne s’est guère améliorée pour tamazight. Les pouvoirs en place ont plutôt prôné une politique d’arabisation et ont exclu tamazight de toutes les sphères officielles. Cette négation a donné naissance a un mouvement de revendication vers la fin des années soixante qui se voudra comme un rempart contre une politique d’arabisation et d’assimilation du peuple berbère/Amazigh.
Ce mouvement de revendication pour la reconnaissance de la langue tamazight, porté essentiellement par les Kabyles, finira par payer: tamazight sera introduite dans le système éducatif et retenu dans la constitution comme étant langue nationale en 2002 et langue officielle en 2016.
Cependant, son introduction dans le système éducatif a posé quelques problèmes d’ordre didactique et sociolinguistique : Quoi enseigner : les variantes de tamazight ou un tamazight (cette langue abstraite) unifié, avec quelle graphie… ? Répondre à ses questions nous mènera forcément vers une autre question plus problématique, celle de l’émancipation du kabyle ? La question ainsi posée nous renvoie à la problématique cruciale de l’individuation (processus qui permet à une variante de prendre ses distances avec les autres variantes et devient langue par élaboration ou par déclaration). Et cette réflexion nous renvoie à l’une des questions fondamentales de cette thèse : le kabyle est-il une langue ou un dialecte ?
Pour les partisans de l’unité linguistique de tamazight, le kabyle est un dialecte. Mais, tenant compte du développement de la situation sociolinguistique de tamazight, la réponse à cette question est loin d’être évidente.
Le kabyle connait depuis plus d’un siècle une forte dynamique au niveau linguistique, littéraire, didactique… et s’insère dans des espaces qui lui était jadis interdits. Cette forte dynamique peut s’interpréter par la théorie d’élaboration linguistique de Heinz Kloss comme un processus d’élaboration linguistique qui permet aux dialectes de devenir des langues par élaboration. Un processus reconnu et porté par une frange de la population kabyle qui désormais parle explicitement de langue kabyle, depuis notamment 2000.
Dans notre travail de recherche nous avons décrit, analysé ce processus d’élaboration et d’individuation du kabyle à travers l’étude des manuels scolaires élaborés depuis la période coloniale jusqu'à l’année 2015.
Nous avons choisi de travailler sur les manuels parce que l’école figure parmi les six domaines de l’élaboration linguistique qui permet à un dialecte de devenir « langue élaborée ». Nous considérons, aussi, que le travail qui se fait dans l’enseignement du kabyle, et surtout depuis 1995, est une manifestation de l’élaboration linguistique et didactique de cette langue.
L’étude des manuels scolaires et toutes les manifestations de l’individuation du kabyle (la dénomination du kabyle qui concurrence la dénomination de tamazight, le processus d’aménagement du kabyle, la standardisation de la graphie latine) nous a permis de constater que le kabyle s’impose dans le système scolaire et crée son propre espace au sein de ce système éducatif qui paradoxalement ne le reconnait pas. En effet, malgré cette forte dynamique du kabyle, le discours officiel ne lui reconnait pas une existence en tant que langue. Il le définit dans sa relation de subordination à tamazight, qui est posée, dans ce même discours, comme étant une langue à l’image de l’arabe et du français.
Toutefois, c’est à l’école que le kabyle connait le plus de progrès. En 20 années seulement d’existence officielle, tous les manuels d’enseignements, du primaire jusqu’au lycée, sont élaborés dans la variante kabyle. Cette élaboration, dans le domaine pédagogique, inscrit le kabyle dans un processus d’émergence - individuation (par distanciation) et se catégorise comme « langue ».
Nous distinguons deux dimensions dans le processus d’individuation du kabyle :
- la dimension politique portée, par un mouvement de revendication depuis avril 1980, voire depuis les années 49. Cette dimension connait deux repères importants : depuis les années 49, jusqu’aux années 2000, la revendication concernait la reconnaissance de langue tamazight comme langue officielle, nationale. À partir des années 2000, la question de la langue kabyle occupe le devant de la scène et intervient dans les débats linguistiques, et pédagogiques et, à un degré moindre, dans les débats politiques.
- la dimension scientifique, enclenchée aussi par des acteurs sociaux et culturels depuis la période coloniale, concerne tous les domaines (la politique, le cinéma, les médias, les médias lourds, la littérature, la religion, l’école), qu’on attribue publiquement à la langue kabyle ces dernières années.
Mots clés : l’élaboration linguistique, l’élaboration didactique, l’individuation sociolinguistique, La volonté populaire, langue minorée
En savoir plus
DAVID MOUNGAR | Mise à jour le 28/11/2017