Soutenance de thèse: Erick MICELI (17 DECEMBRE 2022)
Centre: UMR LISA
Projet: TERRA
Discipline: Histoire et mention: Histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain, de l'Art, de la musique
Titre de la thèse: La Corse entre trois souverainetés, 1750-1770. Dynamiques politiques, intellectuelles et ambitions personnelles durant le "moment paolien" des crises révolutionnaires corses
Résumé vulgarisé:
Quand on pense révolution, on songe rupture, table rase, basculement d’un monde à l’autre. Or, un phénomène révolutionnaire se révèle dans sa réalité documentaire bien plus complexe : il y a des altérations certes, mais également des continuités. Aussi, toutes les personnes qui participent à une société ne vivent pas les crises politiques de la même manière. Les tragédies humaines inhérentes aux épisodes insurrectionnels et leurs contrecoups répressifs n’impactent pas l’ensemble des individus de la même manière. Le drame des uns constitue de propices occasions pour les autres. L’objectif de ce programme de recherche est de décentrer la vision habituelle du « Généralat » de Pascal Paoli vers la société corse entre 1750 et 1770 afin de proposer une lecture au ras du sol des décisions et des faits politiques de la fin de la Corse génoise. De quelles manières les événements politiques impactent-ils les femmes et les hommes ? Cette double décennie s’avère d’autant plus être un riche observatoire en ce qui concerne l’étude de la relation entre les sociétés et les pouvoirs. L’on assiste à la mise en concurrence de trois entités politiques qui tentent d’imposer leur pouvoir sur la société corse.
Les trois sont mues par des constitutions très différentes : la plus ancienne en lice est la sérénissime république de Gênes qui essaye de maintenir son pouvoir mais qui n’a, dans les faits, jamais contrôlé militairement l’île ; elle a sous-traité la gestion de ce qu’elle désigne comme le « gouvernement intérieur » à des notables ruraux. Lorsqu’une partie des populations se révolte en 1729, ce groupe hétérogène profite de l’insurrection afin de négocier un statut politique qui lui serait profitable. Après quelque temps durant lequel la notabilité est débordée par les populations et court après les révoltés, les notables parviennent à prendre la main sur le mouvement. Dès lors ils s’imposent comme l’armature de la rébellion, et ils recherchent les moyens de développer leur influence sur les populations. Ainsi les révolutionnaires se trouvent-ils pris dans une concurrence des chefs bien davantage qu’une guerre de libération nationale contre l’ennemi génois. C’est Pascal Paoli qui, à partir de 1755, donne une dimension différente à la guerre et souhaite véritablement constituer un État indépendant. Son autorité se développe dans la zone grise de l’intérieur de l’île, là où, du constat des Génois, « s’éloigne notre autorité ». Enfin, le troisième arrivant est tardif : à partir de la seconde moitié de la décennie 1760, la monarchie française absolue et de droit divin tente d’imposer par-delà la mer sa souveraineté sur les Corses.
Notre thèse met en scène la concurrence des souverainetés au sein de la société insulaire en prêtant un œil attentif, non pas seulement à la grande politique, mais au gouvernement civil. En effet, ces trois puissances vont être confrontées à la même société et donc aux mêmes problématiques et, si elles vont parfois proposer des solutions diamétralement opposées, celles-ci sont dans bien d’autres cas semblables. Tout ceci pose une question plus globale qui intéresse plus largement les sciences humaines : pourquoi adhère-t-on à un pouvoir ? Y adhère-t-on seulement pour son efficacité ? Les recherches tendent plutôt à souligner que ce n’est pas l’efficience qui occupe la place déterminante, mais plutôt la croyance de la société en l’efficacité d’un pouvoir politique. On consent puis adhère parce que l’on croit en ceux qui l’incarnent. En d’autres termes, parce que ceux-là ont su développer les outils pour faire croire ; d’où l’importance centrale des instruments de propagande comme les Ragguagli dell’Isola di Corsica pour les paolistes.
La soutenance aura lieu le samedi 17 décembre à partir de 8H, Amphi Landry, UFR DEG, Campus Mariani
En savoir plus: Résumé scientifique
Samedi 17 décembre 2022 à 08h00